Dessin, Dessein, Destin de la réalité augmentée de Samir Abi-Rached

Samir Abi-Rached, connu également par ses initiales SAR, est reconnu et apprécié en Orient comme le maître incontesté du dessin rigoureux. Toutes ses mises en scène, nourries de ses visions polyphoniques du sur-réel et de son expérience onirique, s'inscrivent dans la trajectoire d'une riche cosmogonie. Préméditées dans leurs cohérences, elle s'ouvrent comme une cérémonie à laquelle nous sommes invités à participer. Elles nous offrent, dans un style parfois dantesque, la possibilité de changer radicalement de perspective et de découvrir les évidences de la vie et de nous reconnaître dans les métamorphoses de la nature et du désir.

Toute narration y brosse notre propre portrait. SAR a le besoin irrépressible, viscéral, de nous bousculer, de ne pas nous séduire. À ciel ouvert, son aventure intérieure nous dévoile, toile après toile, des secrets fugitifs, aux failles évanescentes. Son prodigieux univers imaginé se révèle un quiz fascinant. Il nous faut découvrir, comme dans un jeu interactif, même en tâtonnant, les énigmes intimes, inédites, de ses aveux.

Suivons son aiguillage saillant comme une sculpture charpentée. Pas de méprises. L'ancrage codifié dans les effluves des mirages ultimes, même les plus inconcevables, a le charme impatient, fragile ou abrupt, des plus belles échappées. Au gré de l'actualité et de ses intuitions, Samir Abi-Rached traçait, sans les crypter, par glissements successifs, les alliances de ses motifs et de ses couleurs, imposant ses spectaculaires visions architecturales.

Le monde intime selon SAR s'écrie, haïku incommutable, et décrit une lymphe métabolique ondulant au rythme de ses passions complexes. Leurs chaudes tonalités réactivent en coulisse et brassent un surnaturel androgyne, épure irisée et fluide. À l'épreuve attentive de l'opulence de sa sensibilité.

Sur les nuées de la séduction, il voltige d'escapade métaphorique en escapade conceptuelle. Nous n'avons jamais fini d'en découvrir les noeuds. Il y a, chez lui, comme un héritage sans frontières, qu'il a réussi à désarrimer des ultimes charnières exhumées de l'argile humaine. Les déraisons de l'ombre et de l'impossible infini aux séquences illusionnistes renouvelées, jamais assoupies, ritualisent leurs perspectives complexes comme un laminoir de voyances.

Délaissons l'attention volatile devant chacune des visions de l'artiste. Par une perception intuitive, une émotion spontanée, directe, laissons notre regard contemplatif s'ancrer dans une expériene unique, vigilante et addictive. Laissons-le s'imprégner, s'immerger, complicité attentive aux récits picturaux, s'égarer parfois. Il nous faut une bonne part d'imagination pour découvrir et apprécier les mondes imaginaires de SAR et ses itinéraires audacieux et virtuoses bien au-delà des parvis habituels où nous nous arrêtons. Par crainte de découvrir des vérités déconcertantes.

Mes commentaires soulignent dans cet album les principales oeuvres de Samir Abi-Rached, notamment les moins récentes et les plus rares, afin qu'elles émergent d'un injuste oubli. Ils s'inspirent, pour la plupart, de nos mutuelles confidences, en basse continue.

Les hautes herbes des terres inconnues de ce maître secret au savoir occulte, sont dessinées comme un désir fétichiste aux frontières jamais dépassées. Elles ne doivent plus être réservées aux collectionneurs avertis, aux amateurs d'art, et préservées par des galeries attentionnées. C'est le but de cet album muséal gorgé d'entailles.

CK