About the Book
MONSIEUR ET BIEN EXCELLENT AMI, Vous venez de donner à votre beau livre de Louis XVII une suite digne de lui, en publiant l'histoire de Madame Élisabeth. Madame Élisabeth, cette sainte, cette noble et douce figure, la plus touchante peut-être de toutes les victimes de la Révolution, n'avait pas été jusqu'ici assez étudiée ni connue. Son rôle secondaire, la réserve modeste où elle se renferma toujours, le dévouement qui enveloppa toute sa vie, l'avaient trop laissée dans l'ombre: on n'avait pas vu d'assez près, ni dans le détail, ce qu'était cette nature, ce coeur, cette âme, cette vie. L'ouvrage que vous nous donnez, et que vous avez écrit avec cette sûreté de recherches qui caractérise tous vos travaux historiques, sera sur cette Princesse une véritable révélation. Sans doute cette révélation ne jettera point sur sa mémoire l'extraordinaire éclat que Marie-Antoinette reçut tout à coup de la découverte de ses lettres authentiques. La fille de Marie-Thérèse était d'une nature plus brillante, plus rare, on peut le dire, plus royale, que la soeur de Louis XVI; car, quel qu'ait pu être, dans sa première jeunesse, son goût pour les fêtes de la cour, rien n'était moins frivole au fond que cette Reine: et quand elle fut touchée par le malheur, on la vit s'élever tout à coup aux plus hautes sublimités de l'héroïsme, et trouver tout naturellement, dans son coeur et sur ses lèvres, de ces mots où l'on sent tout à coup l'accent d'une grande âme. Madame Élisabeth était d'autre trempe. Esprit moins élevé, moins étendu, moins pénétrant peut-être, mais d'un très-grand et très-vif bon sens; nature impétueuse, mais dominée et domptée par la piété; si innocente et si pure, que la calomnie n'osa jamais s'y attaquer: la piété s'empara d'elle, si je puis ainsi dire, et fut l'inspiration, la grande force de sa vie. Et dès lors Madame Élisabeth devint une sainte, et c'est la sainteté qui éleva son âme à des hauteurs où la nature seule n'eût jamais pu la faire monter. L'amitié, où, après Dieu, elle se réfugia et se concentra tout entière, suffit à son coeur. Ses lettres témoignent à quel point elle fut tendre et fidèle à ses amies. Et quand vinrent pour sa famille les grandes épreuves, son affection pour le Roi son frère, pour la Reine, pour son neveu, pour sa nièce, devint ce dévouement qui fera à jamais la plus belle gloire de cette Princesse. Quoique placée en dehors des événements, et nullement mêlée à la politique, elle vit d'un coup d'oeil étonnamment sûr la marche des choses, et ne se fit aucune illusion sur le sort qui l'attendait elle-même, si elle restait auprès de son frère; et elle y resta: rien ne l'en put séparer. Et dans toutes ces terribles catastrophes, par lesquelles passa l'infortunée famille de Louis XVI, elle fut toujours là, admirable de courage, et quelquefois d'une incomparable grandeur. Dans l'affreuse journée du 20 juin, quand mille piques étaient là menaçantes et qu'un canon était braqué dans l'appartement du Roi, lorsque la foule, qui avait envahi les Tuileries, réclamait à grands cris la Reine: C'est moi! s'écria Madame Élisabeth, s'offrant aux coups elle-même à la place de Marie-Antoinette.-Non; la Reine, c'est moi! s'écria Marie-Antoinette. Quelle lutte entre ces deux femmes! Je ne connais rien non plus qui soit plus grand que la réponse de Madame Élisabeth au président du tribunal révolutionnaire, à cette question: Qui êtes-vous?-Je me nomme Élisabeth de France, répondit-elle, tante de votre Roi. Voilà jusqu'où la sainteté avait su élever cette nature. Son supplice fut tout ce qu'on peut imaginer de plus odieux. Louis XVI eut des juges, Marie-Antoinette eut un procès; Madame Élisabeth n'en eut pas: il n'y eut pour elle ni défenseur, ni témoins, ni jugement. Elle fut traînée à l'échafaud avec vingt-trois autres victimes, et exéc