Si les écrivains de l'école de Voltaire ont essayé d'écarter tout le merveilleux de la vie de celle qui, brûlée vive le 30 mai 1431, fut béatifiée en 1909 avant d'être canonisée en 1920 et de devenir l'une des quatre saintes patronnes secondaires de la France, l'épopée de cette jeune fille arrache cependant aux auteurs de l'Encyclopédie un aveu bien remarquable: Ce que nous avons rapporté de Jeanne d'Arc et des résultats de son procès, combiné avec le récit des historiens, se sent sûrement beaucoup de l'enthousiasme qu'inspire cette fille singulière. (...) La condition, le sexe, l'âge, les vertus, la piété, la valeur, l'humanité, la bonne conduite, les succès de ce vengeur inattendu de Charles VII, offrent un ensemble où le merveilleux domine, quelque effort que l'on fasse pour l'écarter ou l'affaiblir.
Au commencement de l'année 1429, la prise d'Orléans, ville stratégique car bornant l'invasion anglaise en faisant obstacle à la mainmise sur les provinces centrales, n'était en effet plus qu'une question de temps: les jours de résistance héroïque étaient désormais comptés. La victoire semblait avoir à jamais abandonné les drapeaux du roi Charles VII, ses villes succombaient l'une après l'autre, et ses coffres étaient vides. La légende affirme qu'en la chapelle de Loches, le jour de la Toussaint 1428, à peine un mois après l'apparition des Anglais devant Orléans, le monarque adressa une prière secrète à Dieu.
Courbé sous le poids accablant de la guerre, en proie aux dévastations et aux pillages, massacré et volé tant par ses ennemis que ses défenseurs, le généreux peuple de France supportait alors le malheur avec courage, espérait dans l'avenir, et ne voulait pas être anglais. En dépit des nombreux signes d'affaissement et de ruine, il avait foi dans son roi, dans sa patrie, dans son Dieu. Dieu, qui avait pris la France en pitié; Dieu qui, aimant les Français, ayant guidé Charlemagne et béni saint Louis, réservait encore au grand peuple une non moins grande mission à accomplir dans le monde; Dieu qui suscitait Jeanne d'Arc, dont l'irruption déterminante et cruciale contribua à inverser le cours de la guerre de Cent Ans.
Résumant toute la vie de la Pucelle, l'académicien Charles Nodier (1780-1844) en tire la conclusion suivante: Quand on suit cette jeune héroïne au milieu de ces mêlées sanglantes, sur ces murailles ébranlées, qui vont un instant plus tard couvrir l'ennemi de leurs ruines, et qu'on la voit, impassible, n'opposer à l'effort des soldats furieux que son étendard flottant ou le revers de sa hache d'armes; quand on entend cette paysanne haranguer les premiers chevaliers du royaume, les hommes les plus polis et les plus distingués de son temps, dans des termes qui les remplissent d'étonnement et de respect; quand on développe cette longue suite de faits si difficile à prévoir qu'elle a pourtant annoncés, et qui se sont toujours vérifiés suivant ses paroles (...); quand on retrouve l'héroïne d'Orléans dans cette procédure monstrueuse, dernière épreuve de tant d'innocence et de vertu; quand on l'entend invoquer encore, au milieu des flammes prêtes à la dévorer, les benoîts saints et saintes (...); quand on se rappelle qu'à ce moment suprême elle n'avait que dix-huit ou dix-neuf ans, et qu'elle venait de passer sous les yeux du monde une jeunesse pleine de pureté et de gloire, qui n'avait pas même laissé de prétexte au plus léger soupçon, il est malaisé de ne pas croire que l'être le plus étonnant qui ait jamais honoré l'humanité, avait reçu sa mission d'une puissance supérieure à l'humanité.
C'est cette légende, bousculant une histoire frappée au coin d'un merveilleux pourtant soutenu par d'authentiques documents, que nous vous convions ici à découvrir ou à redéc