About the Book
Il est commun de parler, a propos de saint Thomas d'Aquin, de metaphysique de l'etre et des modes de l'etant dont l'unite, la verite, le bien, etc. Si nous disons que Dieu est l'etre et qu'il est par identite la bonte, la source et la cause de tout etant (ens), de tout etre (esse) et toute bonte (bonum, bonitas), ne redouble-t-on pas la difficulte, car le vocabulaire du bien et du souverain bien est, nous dit-on, culturellement et rationnellement anachronique . Au bien, dont la grammaire philosophique est devenue presque inintelligible en postmodernite, on preferera en ethique, par exemple, le concept de juste. Pourtant la question du bien reapparait, au moins par l'ampleur des questions bioethiques. Il est significatif que l'on investisse la tradition philosophique d'avant le moment critique kantien, en recourant a Platon et Aristote, ainsi qu'au stoicisme de l'epoque imperiale. Meme si saint Thomas doit plus a Denys qu'a Aristote pour l'approfondissement de la doctrine du bien, l'agathologie thomasienne doit a ce dernier son armature fondamentale; il reste que c'est d'abord par la Bible et a cause d'elle que notre docteur developpe une theologie et une metaphysique du bien. En Gn 1, 31, selon la traduction de la Septante, on lit en effet: Tout est parfaitement bon (Panta kala lian); et dans la Vulgate: Quae fecit et erant valde bona . Apres Aristote, et au-dela du platonisme, Theophraste, le premier scholarque du Lycee, au debut du ive siecle dira: Ce qui est se trouve etre bon (ta men onta kalos etukhen onta); ou encore Avicenne: L'etre est bien pur et perfection pure (esse est bonitas pura et perfectio pura) . Saint Augustin n'est pas en reste: Tout ce qui est, en tant qu'il est, est bon (Omne quod est, in quantum est, bonum est). Saint Thomas, s'inscrivant dans cette tradition, repetera: Tout ce qui est, en tant qu'il est, est necessairement bon (Omne quod est, inquantum est ens, necesse est esse bonum). Dans l'etant, qui est habens esse, l'etre est fondement du bien, or il n'y a pas de bien en dehors de l'etant 9. Sans rien y ajouter, le bien nous en revele le prix. Si l'esse est acte, il est perfection et achevement; et ce qui se dit de l'etre se dit du bien. Plus tard, a la fin du XXe siecle, un disciple de Thomas d'Aquin dira eloquemment: Toute philosophie de l'etre est aussi indissociablement une philosophie du dynamisme et de la generosite de l'etre, donc de l'inclination, de l'appetit, de la tendance, de l'amour et du desir [...] dans la mesure meme ou [l'etre] est, est bon et propre a etre aime. Autant que l'etre, et ceci ne saurait etonner, le bien est une notion universelle dont la formalisation appelle une pluralite de regards qui depend, nous semble-t-il, de la maniere dont l'esprit se rapporte a lui, comme il se rapporte a l'etre. La diversite des points de depart fait la diversite des points de vue et de leur resultat, comme on le verra dans l'ensemble des contributions du colloque (4-5 mai 2018) dont nous publions les actes: de la metaphysique a la theologie en passant par l'ethique, et de saint Thomas a ses disciples contemporains.Comme l'a ecrit Remi Brague, il serait pertinent de regarder d'un peu plus pres le concept de bien et de le prendre au serieux . C'est, dans une large mesure, ce que la Revue thomiste tente de faire. fr. Philippe-Marie Margelidon, o.p.Directeur de la Revue thomiste