About the Book
"De Saint-Malo sont partis beaucoup de capitaines. Ils ne voyagèrent pas tous sur la mer: plusieurs coururent l'aventure dans le monde des idées, plus vaste que l'océan, et où il y a plus d'inconnu, plus de solitude, et des dangers plus grands. Les uns et les autres, ces hommes de la Marche bretonne, si on les compare, apparaissent comme des Français bien doués, hardis, et d'une courtoisie rude ou raffinée, qui les met en beau rang dans la famille française. Ce pays malouin et servanais a toujours été un des bons coins de la France.Pierre-Joseph Picot de Clorivière était un de ces Malouins. Il n'est point inconnu; je crois qu'il mériterait d'être célèbre; j'espère même qu'il le deviendra, et de la meilleure façon: par un décret du pape de Rome, où serait déclaré bienheureux celui qui servit Dieu dans les temps les plus difficiles, et ne perdit pas un moment la foi, l'espérance ou la charité. Il fut un clairvoyant, à l'heure ou tant de braves gens se laissaient prendre aux mots, tout jeunes élèves encore, dans l'étude du langage révolutionnaire, et qui s'aperçurent, un peu tard, que la traduction littérale ne vaut rien, en pareil cas, et qu'il faut pénétrer les grands mensonges plaisants, par quoi le monde est mené. Il n'eut point de doute parce qu'il était très réfléchi, très clair d'esprit, et très attaché à la foi de Jésus-Christ, ce qui est le plus sûr moyen de ne point errer dans une foule de questions, même d'un ordre différent. On vit ce prêtre breton ne donner aucun signe de peur lorsque tant d'hommes tremblaient, et ne faire aucune bravade inutile, ce qui est encore une forme de courage, mais dépenser les heures aussi méthodiquement que s'il avait vécu en communauté. Or, il vécut longtemps dans une cachette d'où il sortait, d'ailleurs, aussi souvent qu'il le fallait, pour encourager, aider tant de familles dans le deuil, la misère, l'angoisse, pour administrer et communier les malades. Plus tard, quand la Terreur eut passé, et que la France fut aux mains de l'Empereur, il connut, et pendant des années, les prisons impériales, où il était facile d'entrer, même sans jugement, d'où il était difficile de sortir aussi longtemps que Fouché, comte de l'Empire et grand maître de la police, gardait, à l'endroit du prisonnier, une petite défiance. Clorivière fut le modèle de l'homme juste dans les temps de persécution, et, autant que nous pouvons en juger, un des saints qui se levèrent, de notre terre française, vers la fin du dix-huitième siècle: réponse immédiate, nombreuse et magnifique, comme toutes celles que fait la France en danger.La leçon d'une telle vie doit servir; il est utile d'en rappeler les traits; les écrits qu'il a laissés peuvent également aider nos contemporains à mieux pénétrer les origines et la malignité des doctrines dont le monde est présentement, selon les latitudes, menacé ou accablé. C'est la raison d'être de ce petit volume: les hommes utiles, dans les révolutions, sont ceux qui ne leur accordent rien; tous les autres en font le jeu."(www.sainteface.net)