About the Book
Une enfance de bergère orpheline, en Sologne, au début de la IIIe République... Le petit peuple prend la parole, servi par la sincérité, la simplicité de l'auteur. Une émotion inoubliable.Francis Jourdain, un soir, me confia la vie douloureuse d'une femme dont il était le grand ami.Couturière, toujours malade, très pauvre, quelquefois sans pain, elle s'appelait Marguerite Audoux. Malgré tout son courage, ne pouvant plus travailler, ni lire, car elle souffrait cruellement des yeux, elle écrivait.Elle écrivait non avec l'espoir de publier ses oeuvres, mais pour ne point trop penser à sa misère, pour amuser sa solitude, et comme pour lui tenir compagnie, et aussi, je pense, parce qu'elle aimait écrire.Il connaissait d'elle une oeuvre, Marie-Claire, qui lui paraissait très belle. Il me demanda de la lire. J'aime le goût de Francis Jourdain, et j'en fais grand cas. Sa tournure d'esprit, sa sensibilité me contentent infiniment...En me remettant le manuscrit, il ajouta: - Notre cher Philippe admirait beaucoup ça... Il eût bien voulu que ce livre fût publié. Mais que pouvait-il pour les autres, lui qui ne pouvait rien pour lui ?...Je suis convaincu que les bons livres ont une puissance indestructible... De si loin qu'ils arrivent, ou si enfouis qu'ils soient dans les misères ignorées d'une maison d'ouvrier, ils se révèlent toujours... Certes, on les déteste... On les nie et on les insulte... Qu'est-ce que cela fait ? Ils sont plus forts que tout et que tout le monde.Et la preuve c'est que Marie-Claire paraît, aujourd'hui, en volume, chez Fasquelle.Il m'est doux de parler de ce livre admirable, et je voudrais, dans la foi de mon âme, y intéresser tous ceux qui aiment encore la lecture. Comme moi-même, ils y goûteront des joies rares, ils y sentiront une émotion nouvelle et très forte.Marie-Claire est une oeuvre d'un grand goût. Sa simplicité, sa vérité, son élégance d'esprit, sa profondeur, sa nouveauté sont impressionnantes. Tout y est à sa place, les choses, les paysages, les gens. Ils sont marqués, dessinés d'un trait, du trait qu'il faut pour les rendre vivants et inoubliables. On n'en souhaite jamais un autre, tant celui-ci est juste, pittoresque, coloré, à son plan. Ce qui nous étonne surtout, ce qui nous subjugue, c'est la force de l'action intérieure, et c'est toute la lumière douce et chantante qui se lève sur ce livre, comme le soleil sur un beau matin d'été. Et l'on sent bien souvent passer la phrase des grands écrivains: un son que nous n'entendons plus, presque jamais plus, et où notre esprit s'émerveille.Et voilà le miracle: Marguerite Audoux n'était pas une déclassée intellectuelle, c'était bien la petite couturière qui, tantôt, fait des journées bourgeoises, pour gagner trois francs, tantôt travaille chez elle, dans une chambre si exiguë qu'il faut déplacer le mannequin pour atteindre la machine à coudre.Elle a raconté comment, lorsque en sa jeunesse elle gardait les moutons dans une ferme de la Sologne, la découverte, dans un grenier, d'un vieux bouquin lui révéla le monde des histoires. Depuis ce jour-là, avec une passion grandissante, elle lut tout ce qui lui tombait sous la main, feuilletons, vieux almanachs, etc. Et elle fut prise du désir vague, informulé, d'écrire un jour, elle aussi, des histoires. Et ce désir se réalisa, le jour où le médecin, consulté à l'Hôtel-Dieu, lui interdit de coudre, sous peine de devenir aveugle.Des journalistes ont imaginé que Marguerite Audoux s'écria alors: Puisque je ne peux plus coudre un corsage, je vais faire un livre. Cette légende, capable de satisfaire, à la fois, le goût qu'ont les bourgeois pour l'extraordinaire et le mépris qu'ils ont de la littérature, est fausse et absurde.