Cet ouvrage, Les âmes qui brûlent, comprend une série de notes spirituelles que l'auteur écrivit au hasard de l'aventure de sa vie, avant et pendant la Deuxième Guerre Mondiale.
Chaque époque a son style, dépouillé ou ampoulé, classique ou romantique. À travers le style et au-delà de l'écrivain se retrouvent certaines formes, certaines façons de penser propres à un temps.
Une partie de ces notes sont des réflexions de soldat, écrites alors que l'auteur - à tort ou à raison - combattait en Volontaire d'Europe au Front de l'Est, de 1941 à 1945, contre les armées des Soviets.
Là aussi il n'y a pas à revenir sur la manière d'exprimer des sentiments qui étaient tels qu'on le dit et qui alors s'exprimaient ainsi.
Me voici arrivé presque au bout de ma course humaine. J'ai à peu près tout senti. Tout connu. Et surtout tout souffert.
J'ai vu, ébloui, s'élever les grands feux d'or de ma jeunesse. Leur incendie illuminait mon pays. Les foules faisaient danser autour de moi les vagues étoilées de leurs milliers de visages. Leur ferveur, leurs remous ont existé.
Mais en fait vraiment ont-ils existé ? Tout cela ne fut-il pas un songe ? N'ai-je pas rêvé qu'à moins de trente ans un pays se disait mon nom et qu'à certains jours les plus lointains journaux de la planète le répétèrent ?
Replié dans mes tristesses d'exilé, j'arrive à ne plus croire à mon passé lui-même. Ai-je ou non vécu ces temps ? Connu ces passions ? Soulevé ces océans ? J'arpente mes terrasses. Je me penche sur mes roses. J'en détaille les parfums. Ai-je jamais été un autre être que ce rêveur solitaire qui happe en vain des souvenirs, effilochés comme des brouillards de montagne ?
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Tout cela ne fut-il pas autre chose qu'une hallucination ?
Je ne vois plus au loin, tout au loin, dans des lumières délavées, que des corps à la Greco, de plus en plus amincis. Ces gens qui s'effacent à jamais de l'horizon m'ont-ils connu ? M'ont-ils suivi ? Les ai-je entraînés ? Ai-je existé ?