About the Book
Le Jardin des supplices est un roman français d'Octave Mirbeau, paru chez Charpentier-Fasquelle en juin 1899. Ironiquement, le romancier dreyfusard a dédié cette oeuvre Aux Prêtres, aux Soldats, aux Juges, aux Hommes, qui éduquent, dirigent, gouvernent les hommes, ces pages de Meurtre et de Sang . Une oeuvre déconcertante; Ce roman, publié au plus fort de l'affaire Dreyfus, à la veille du procès d'Alfred Dreyfus à Rennes, résulte d'un bricolage de textes conçus indépendamment les uns des autres, à des époques différentes, en des styles différents et avec des personnages différents. On trouve tout d'abord des articles sur la loi du meurtre: ils constituent le Frontispice du roman, qui présente une discussion d'après-boire entre intellectuels positivistes. Puis vient En mission, première partie d'une narration orale intitulée Le Jardin des supplices: il s'agit d'une caricature grotesque des milieux politiques français de la Troisième République, où l'on voit l'anonyme narrateur, petit escroc de la politique devenu compromettant pour son ministre de tutelle, se faire envoyer à Ceylan sous le prétexte farcesque d'une mission d'embryologiste... Dans la troisième partie du roman (deuxième partie de cette narration, également intitulée Le Jardin des supplices), nous avons droit au récit d'une visite du bagne de Canton, sous la conduite d'une Anglaise sadique, perverse et hystérique, l'énigmatique et fascinante Clara, qui se fait conduire dans un bordel flottant, bateau de fleurs, où elle parvient à la petite mort, au terme de cette exploration des pires atrocités. Ce mélange des tons et les multiples transgressions des codes de vraisemblance, de crédibilité romanesque et de bienséance contribuent à brouiller les repères littéraires et éthiques des lecteurs et à les mettre mal à l'aise en les déconcertant. La loi du meurtre; Ce malaise est renforcé par la discussion inaugurale de l'intelligentsia positiviste sur le meurtre, considéré comme la loi infrangible sur laquelle reposent toutes les sociétés, y compris celles qui se disent abusivement civilisées; par les descriptions de supplices particulièrement horribles, dont certains sont des délices inversés (le supplice de la cloche, le supplice de la caresse et le supplice du rat, qui marquera durablement un des patients les plus célèbres de Freud); et par des pages d'humour noir, particulièrement déstabilisatrices pour les idées morales des lecteurs, notamment la longue interview d'un débonnaire bourreau chinois patapouf, consciencieux artiste de la scie, de la tenaille et du scalpel. Dès lors ils sont bien en peine de dégager une conclusion univoque, de faire le départ entre le beau et l'horrible, entre la dénonciation des crimes de la société et la complaisance dans leur évocation, entre le sérieux et la distanciation ironique, dans une oeuvre qui est délibérément ambiguë.
About the Author: Octave Mirbeau, né le 16 février 1848 à Trévières (Calvados) et mort le 16 février 1917 à Paris, est un écrivain, critique d'art et journaliste français. Il connaît une célébrité européenne et de grands succès populaires, tout en étant également apprécié et reconnu par les avant-gardes littéraires et artistiques, ce qui n'est pas commun. Journaliste influent et fort bien rémunéré, critique d'art défenseur des avant-gardes, pamphlétaire redouté, Octave Mirbeau est aussi un romancier novateur, qui a contribué à l'évolution du genre romanesque, et un dramaturge, à la fois classique et moderne, qui a triomphé sur toutes les grandes scènes du monde. Mais, après sa mort, il traverse pendant un demi-siècle une période de purgatoire il est visiblement trop dérangeant pour la classe dirigeante, tant sur le plan littéraire et esthétique que sur le plan politique et social. Littérairement incorrect, il est inclassable, il fait fi des étiquettes, des théories et des écoles, et il étend à tous les genres littéraires sa contestation radicale des institutions culturelles; également politiquement incorrect, farouchement individualiste et libertaire, il incarne une figure d'intellectuel critique, potentiellement subversif et irrécupérable, selon l'expression de Jean-Paul Sartre dans Les Mains sales.