About the Book
EXTRAIT ÉPÎTRE DÉDICATOIRE A Bétzy La vie, dit-on, est un canevas qui ne vaut pas grand chose, la broderie qu'on y ajoute seule peut avoir quelque prix, et je ne saurais oublier, Madame, sans faire injure à mes sensations passées, les fines et capricieuses arabesques dont vos jolies petites mains de fée ont si délicatement festonné, pendant de longues heures fugitives, cette toile grise, uniforme ou banale qu'enrichissent et agrémentent avec tant d'art voluptueux les ivoirines navettes d'amour. Selon Beaumarchais, la passion est le roman du coeur tandis que le plaisir en est l'histoire: vous auriez donc, à ce titre, de doubles droits à mon entière gratitude, aussi bien comme romancière émérite que comme historienne exquise dans les belles lettres de Cythère. Au milieu des archives bouleversées de mes sens je me plais aujourd'hui à rechercher bien des dates que caressent mes souvenirs, et j'aimerais, je l'avoue, ajouter, de concert avec vous, un nouveau chapitre à notre oeuvre si tôt interrompue, mais la nature qui veut que tout finisse, fait clairement appel à ma raison en m'indiquant avec son aimable sagesse, que Cupidon aime à renouveller le feu de ses brandons et que, dans un parterre de beautés infinies, il ne faut pas cueillir toutes les roses sur un même rosier. Ne vaut-il pas mieux respirer lentement les doux parfums d'antan, que risquer de briser la cassolette en la surchargeant de plus fraiches senteurs ? Vous me savez, du reste, trop indépendant pour jouer le Pastor fido et trop loyal pour feindre un sentiment immuable. Les girouettes ne se fixent que lorsqu'elles sont rouillées et je pivote encore assez bien sous les courants capricieux du désir pour ne pas me convaincre chaque jour davantage que l'inconstance ici bas fait plus de conquêtes que la fidélité n'en conserve.-L'amour, avec son arsenal de soupçons, de craintes, d'inquiétudes, de regrets et d'alarmes ne vaut assurément pas qu'on s'y attache; la volupté y passe comme un rêve, la douleur s'y implante comme un cauchemar. L'homme amoureux suit la femme comme le taureau le sacrificateur, disait Salomon, le sage des sages, aussi, pour protéger son coeur contre une passion exclusive, entretenait-il une légion de près de huit cents femmes, qu'il traitait en esclaves afin de ne pas s'esclaver lui-même à une seule créature.
About the Author: Louis Octave Uzanne, né à Auxerre le 14 septembre 1851 et mort à Saint-Cloud le 31 octobre 1931, est un homme de lettres, bibliophile, éditeur et journaliste français. Biographie Après des études classiques au collège d'Auxerre, il s'établit à Paris pour se consacrer à la bibliophilie. À partir de 1875, il collabore au Conseiller du Bibliophile et fonde ensuite successivement quatre revues Miscellanées bibliographiques, Le Livre, Le Livre moderne et L'Art et l'idée, ces trois dernières chez l'éditeur Albert Quantin (1880-1892). Il publie des oeuvres inédites, avec notices bio-bibliographiques, de nombreux auteurs, tels que Paradis de Moncrif et Benserade, Caylus et Besenval, Sade et Baudelaire. En 1889, avec 160 autres personnes, il fonde une société d'édition d'écrivains français, la Société des bibliophiles contemporains, devenue plus tard la Société des bibliophiles indépendants. Il publie aussi des oeuvres personnelles romans, ouvrages de fantaisie, études bibliographiques, parmi lesquelles on cite le plus souvent ses ouvrages sur la mode féminine. Ce sont des éditions somptueusement illustrées, à petit tirage, produites en collaboration avec des artistes tels que Paul Avril et Félicien Rops. Entre deux livres, Uzanne part en excursion à Londres ou Bruxelles; il fait le tour du monde en 1893. Il fut l'un des témoins de Jean Lorrain lors de son duel, à Meudon, avec Marcel Proust le 6 février 1897. Il fréquente les milieux de l'art nouveau et du symbolisme et se lie en particulier avec Jean Lorrain, Barbey d'Aurevilly, Remy de Gourmont, Albert Robida. Uzanne collabore avec ce dernier pour écrire un recueil de Contes pour les bibliophiles, qui contient la célèbre nouvelle intitulée La Fin des livres. Il contribue également à des journaux et à des revues tels que La Plume, L'Écho de Paris, La Dépêche de Toulouse, Le Figaro, Le Mercure de France. Il passe ses dernières années dans son appartement de Saint-Cloud, toujours entouré de livres et toujours écrivant, où ses fidèles viennent entendre Octave Uzanne remuer les cendres tièdes encore de ce passé qu'il aimait. Il a été incinéré au crématorium du cimetière du Père-Lachaise