About the Book
Extrait: LA SARCELLE BLEUE I -Comment s'appelle-t-elle, votre histoire? -L'histoire de la marquise Gisèle. -Un joli nom, observa Thérèse. Savez-vous, mon parrain, que vous ne m'avez pas encore fait compliment de mon dessus de clavier? Regardez: tout au passé, vieux rose et vieil or sur fond blanc. Est-ce joli? -Ce sera surtout inutile. -Oh! inutile! dit Thérèse, en penchant sa tête blonde sous le rayon de la lampe, pour nouer un brin de soie derrière la bande de drap. Et quand ce serait? Je fais assez de choses utiles, ici, monsieur mon oncle et parrain, pour avoir le droit de broder le soir un tapis de piano. -On dirait une robe de cour! -Eh bien? -Pour un logis comme les Pépinières, Thérèse! -Justement, c'est ce qui me plaît, à moi: des dessins qui courent bien, des couleurs, de la soie, de la laine fine. Riez, si vous voulez: cela repose les doigts, les yeux, le coeur. N'est-ce pas, mère? En face, de l'autre côté du guéridon, une femme encore jeune, vêtue d'une robe foncée à gilet mauve, leva la tête, en laissant retomber posément ses deux mains qui tenaient une dentelle au crochet. Ses yeux bruns très calmes, l'ovale plein de ses joues, la bouche mince et un peu longue, la ligne noble des épaules, attestaient en elle une race affinée. A droite, un petit homme tout blanc et tout nerveux, ridé, l'oeil gris, les cheveux foisonnants autour d'une calotte de velours, la barbe divisée en deux pointes, comme une queue d'hirondelle, se redressa à demi dans le fauteuil où il sommeillait. Elle et lui sourirent du même air de ravissement, en regardant Thérèse, et la mère dit: -Oui, ma mignonne. -Ce sera charmant, ajouta le père; surtout l'oiseau de paradis. Mais il faudra un peu arrondir les ailes. -Comme ceci, n'est-ce pas? demanda Thérèse, en dessinant, du bout de son petit doigt, une ligne idéale sur la bande brodée. M. Maldonne ferma les paupières, en signe d'assentiment, et se renversa doucement en arrière, sans cesser de sourire. -Alors, Thérèse, vous ne m'écoutez pas? dit Robert. Vous ne voulez pas que je raconte... René Bazin, né à Angers le 26 décembre 1853 et mort à Paris le 20 juillet 1932, est un écrivain français, à la fois juriste et professeur de droit, romancier, journaliste, historien, essayiste et auteur de récits de voyages. Biographie Après une licence de droit à Paris, René Bazin suit les cours de la Faculté catholique d'Angers et obtient un doctorat en droit (1877). En 1882, il tient la chaire de droit criminel. En 1876, il se marie avec Mademoiselle Aline Bricard; le couple aura deux fils, dont le romancier et traducteur Louis-René Bazin, et six filles. Toute sa vie, il est porté par les valeurs que représentent la Monarchie et que l'Église continue à défendre. En 1915, il est élu président de la Corporation des Publicistes Chrétiens, qui se fait appeler aussi Syndicat des journalistes français, et en 1917, il fonde le Bureau Catholique de la Presse