Le pantalon garance, c'est la France! Ainsi l'avait voulu un des plus hauts personnages de la Troisième République, Eugène Etienne, député permanent à la Chambre et Ministre de la Guerre, souvent. Ce créateur de l'Algérie française et du puissant Parti Colonial, majoritaire à la Chambre et décisionnaire en France, avait conduit d'une main de fer la politique étrangère de la République, coloniale d'abord. Avec leur pantalon rouge garance, les soldats français seraient des cibles vivantes.Peu après, le 4 août 1914, la guerre en Europe était déclarée. Les mobilisations avaient été précipitées, les enjeux mal calculés et les illusions encouragées. Le premier mois de la guerre, celui de la "bataille des frontières", de la Belgique à la Lorraine, avait été le pire: l'artillerie lourde allemande avait mis en pièces les fantassins français, tenus de faire la "guerre à outrance" contre des mitrailleuses. Les soldats en pantalon rouge avaient été déchiquetés: 27000 étaient morts en une journée le 22 août, et l'on comptait, fin août 370000 disparus. L'Etat Major français, qui avait contribué au désastre, n'avait rien dit: il attendait le "rouleau compresseur russe" promis. A tort, car l'armée russe serait écrasée à Tannenberg le 30 août par l'armée allemande: 30000 soldats russes étaient morts et 100000 autres faits prisonniers. Rien ne s'était passé comme prévu. Ni l'armée française, ni l'armée russe ne pouvaient rivaliser avec l'armée allemande, ce que les esprits lucides savaient mais qu'on avait fait taire. Et la France avait déjà perdu, au mois d'août, son charbon du Nord et son fer de Lorraine. Quel rôle avait tenu le puissant Parti Colonial en France dans le déclenchement d'une guerre si meurtrière ? Si 8 millions de soldats français de métropole et 600000 soldats indigènes des colonies avaient été mobilisés en quatre ans de guerre, par qui l'avaient-ils été ? Et comment la Révolution russe, si dure, si violente, avait-elle pu s'imposer plus tard dans l'Empire des Tsars ? Pourquoi les habitants de New York avaient-ils applaudi sa victoire ? Si longtemps après, des questions se posent et des réponses surgissent. L'auteur s'y attarde avec curiosité et bienveillance à l'égard des perdants.