Excerpt from La Nouvelle Revue Fran�aise, Vol. 16: Revue Mensuelle de Litt�rature Et de Critique

Je mis ma grand'mere dans l'ascenseur du Professeur E etau bout d'un instant il vint � nous et nous fit passer dans son cabinet. Mais l�, si press� qu'il fut, son air rogue changea car les habitudes sont les plus fortes et il avait gard� celle detre aimable, voire enjou�, avec ses malades. Comme il savait ma grand'mere tr�s lettr�e, et qu'il l'�tait aussi, il se mit � lui citer pendant deux ou trois minutes-de beaux vers sur le temps radieux qu'il faisait, puis l'assit dans un fauteuil, lui � contre - jour de mani�re � bien l'examiner. Cet examen fut minutieux, n�cessita m�me que je sortisse un instant. Il le continua encore, puis ayant fini, se mit, bien que le quart d'heure touch�t � sa fin, � refaire quelques citations � ma grand'mere. Il lui adressa m�me quelques plai sauteries assez fines que, pour elles - m�mes, j'eusse pr�f�r� entendre un autre jour, mais qui me rassur�rent compl�te ment par leur ton amus�. Je me rappelai aussit�t que M. Falli�res, Pr�sident du S�nat, avait eu, il y avait nombre d'ann�es, une fausse attaque et qu'au d�sespoir de ses con currents il s'�tait mis trois jours apr�s � reprendre ses fonc tions de pr�sident, et pr�parait, disait-ou, une candidature plus ou moins lointaine � la Pr�sidence de la R�pu blique. Ma confiance en un prompt r�tablissement de ma grand'm�re fut d'autant plus compl�te que, au moment o� je me rappelais l'exemple de M. Pallieres, je fus tir� de la pens�e de ce rapprochement par un franc �clat de rire qui termina une plaisanterie du Professeur E. Sur quoi il tira sa montre, fron�a fi�vreusement le sourcil en voyant qu'il �tait en retard de cinq minutes et tout en nous disant adieu sonna pour qu'on apport�timm�diatement son habit. Je laissai ma grand'mere passer devant, refermai la porte et demandai la v�rit� au Professeur. Votre grand'mere est perdue, me dit-il. C'est une attaque provoqu�e par l'ur�mie.

En soi l'ur�mie n'est pas fatalement un mal mortel, mais le cas me para�t d�sesp�r�. Je n'ai pas besoin de vous dire que je d�sire me tromper. Du reste avec Cottard vous �tes en excellentes mains. Excusez - moi, ajouta - t - il, en voyant la femme de chambre entrer qui portait sur le bras l'habit noir du Professeur. Vous savez que je d�ne chez le Ministre du Commerce, j'ai une visite � faire avant. Ah! La vie n'est pas que roses, comme on le croit � votre �ge. Et il me rendit gracieusement la main. J'avais referm� la porte et un valet de chambre nous guidait dans l'antichambre, ma grand'm�re et moi, quand nous entend�mes de grands cris de col�re. La femme de chambre avait oubli� de percer la boutonni�re pour les d�corations. Cela allait demander encore dix minutes. Le professeur temp�tait toujours pen dant que je regardais sur le palier ma grand'm�re qui �tait perdue. Chaque personne est bien seule: Nous repart�mes vers la maison.

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