Manon était triste. Cela lui arrivait souvent depuis quelque temps, mais Manon était inactive. Et cela, c'était chose extraordinaire pour qui connaissait Manon.
Voir Manon inoccupée, depuis le grand matin jusqu'à la dernière minute de sa journée bien remplie, alors que chacun était couché dans la vieille maison familiale; voir au repos ses doigts fuselés, quand ses petits pieds toujours au service d'autrui ne la portaient pas, semblait-il, partout à la fois, cela, en effet, n'était pas naturel.
Manon était l'âme du manoir de Penhoël, le soleil de la sombre demeure aux murs délabrés, dont d'antiques lierres, montant haut, atténuaient seuls, par endroits, l'aspect mélancolique; la jeune fille était la vie de tous les habitants du château. Demandez plutôt à grand-père, ou à Jeannie, la fidèle servante, ou à Charlik, le domestique octogénaire, vieilli au service de la famille du Valjacquelein. Demandez encore à Yvonnaïk, l'enfant de la châtelaine de Penhoël, qui n'était plus...
Quels que fussent les âges, les caractères, les personnes, il n'y avait qu'une voix au château sur le compte de Manon:
Que ferions-nous sans notre Manon !...