Excerpt from Discours de R�ception de M. V. Cherbuliez: R�ponse de M. Ernest Renan

On se plaint qu'aujourd'hui l'originalit� des esprits et des caract�res s'en va, que les figures sont rares. A force de rouler, les cailloux perdent leurs angles, et, gr�ce aux r�volutions comme aux chemins de fer, nous roulons beaucoup. M. Dufaure', au t�moignage de ses ennemis aussi bien que de ses amis, �tait une des figures de ce temps. Nous devons l'en remercier jus qu'au bout il a conserv� soigneusement ses angles, ne les ayant sacrifi�s ni aux exigences du monde, dont il faisait peu de cas, ni a celles de son int�r�t, qui lui �tait moins cher que l'amiti� de sa conscience. A travers toutes les Vicissitudes de sa vie, il n'a jamals cess� d'�tre lui-m�me. Je laisse � d'autres le soin de raconter en d�tail son histoire. Puiss� - je r�ussir seu lement a �baucher son portrait, et puisse cette �bau che para�tre ressemblante � ceux qui l'ont beaucoup pratiqu� Dans les bornes �troites o� doit se renfermer ce discours, je n'ose esp�rer d'�tre complet; mais je voudrais qu'on ne p�t metreprocher aucune omission trop grave. Si simples qu�soient leurs go�ts et leurs mani�res; si sobre que soit leur langage, si unie que soit leur conduite, les hommes sup�rieurs sont tou jours taill�s en pleine �toffe, et, dans les �mes �tofi'�es, il y a toujours des contrastes.

La France a les siens, aucune nation n'est � la fois plus une et plus diverse. Elle a son nord, elle a son midi, elle a aussi des provinces qui ne sont pas encore le midi et qui ne sont plus le nord. Telle est la Sain tonge, o� M. Dufaure est n� et qu'il a toujours aim�e d'un go�t particulier, comme une petite patrie qui ne d�robait rien a sa tendresse pour la grande. Elle m�rite qu'on en parle avec complaisance, cette pro vince riche en souvenirs, aussi.fi�re de ses marins que de ses habiles vignerons, atteints depuis peu dans leur prosp�rit� par le plus implacable des fl�aux. Au touriste, elle offre la douceur de son ciel, ses plages de sable fin, ses falaises travaill�es par la vague, la curiosit� de ses marais salants, ses �glises romanes, ses beaux villages b�tis en pierre de taille, dont les murs d'une �clatante blancheur annoncent de loin des int�rieurs gouvern�s a la baguette par d'irr�prochables m�nag�res. A l'homme qui y vit, la Saintonge pla�t surtout par l'honn�tet� de ses populations, d'un caract�re solide et d'humeur laborieuse.

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