Alors que ce garçon imagine que quelques poils poussent sur son menton, il prend son plaisir dans le scoutisme et les contacts avec ses camarades d'apprentissage. Cette jeune fille de treize ans, lasse de patienter en attendant qu'il se décidât à exprimer ce qu'elle subodorait et qu'elle escomptait, lui dit un jour, tout à trac: yo Te Quiero, Querido. François devint pourpre, non en raison de ces paroles, car il ne devinait pas la teneur, mais parce qu'il ne connaissait pas un mot de la langue espagnole. Il avait déjà des complexes avec cette famille qui frisait la perfection, se voir pris en faute lui posa problème. En plongeant son regard dans les yeux de son amie, son coeur bâtit à se rompre dans sa poitrine. Quelque chose d'important se passait entre eux et, en même temps, le subconscient de François stimula un frein terrible. Celui-ci généra une mystérieuse sensation d'impossibilité.François avait très honte de ses lacunes linguistiques, de sa pauvreté, de son isolement, car il ne se livrait jamais. Son incapacité à s'imposer lui semblait incontournable tant dans sa famille qu'à l'école et il venait de se sentir rejeté de partout. Gênée par cette incompréhension, son interlocutrice se retira.Cette attitude mérite des explications.Après le départ de sa mère, bannie de la maison par son mari enragé de voir se multiplier les infidélités, le garçon se considère comme le Petit Machin Chose, ballotées par des évènements qui le dépassent. Marquer son peu d'importance doit vivre chez son père. Ce paysan breton analphabète, reconverti en manoeuvre, dans une fonderie, accepta difficilement sa naissance, mais revendiqua sa garde quand il divorça, alors que son fils atteignait neuf ans.L'abandon maternel qu'il subit dans ces conditions le conduisit à la recherche d'une figure d'attachement de substitution. L'absence involontaire de sa mère, du fait que son mari la chassa du domicile, installa des sensibilités complexes et contradictoires qui déstabilisèrent le pauvre enfant comme l'adulte. Ceux-ci préparèrent de graves conséquences comme le sentiment d'insécurité qui entraîna la recherche d'une dépendance psychoaffective. En grandissant, François présenta des perturbations psychopathologiques au niveau de l'estime de soi, dont relève la confiance en soi qui lui manqua longtemps.Il lui fallut les cinq années, passées sous les drapeaux, pour balancer toute cette déconsidération aux orties. L'enfant endura une multitude d'états dépressifs, le médecin, ou les responsables de son éducation ne voulurent pas le reconnaître. Ce fut pourtant certainement la cause de son rejet de l'école, tel qu'il survint, à partir de la cinquième. Cette altération amena des conséquences à l'âge adulte en compliquant les interactions familiales, sociales et professionnelles. À tout cela vint s'ajouter le stress imposé par la société à l'anxiété généré par des fonctions qui quelquefois le dépassaient. François le ressentit en subissant des difficultés relationnelles aussi bien dans les établissements scolaires qu'il fréquenta que dans la ville. Quand il se promenait, il ne regardait personne autour de lui et ne cherchait même pas à entrer en conversation avec des gens déjà rencontrés. Ce fut pire dans le travail. Alors qu'il progressa plus que certains s'y attendaient, François réagit souvent contre une certaine hiérarchie qui manque d'humanité. Certains de ceux qui sortaient de dites grandes écoles acceptaient mal les autodidactes qui ne connaissaient pas les us et coutumes de leur monde. Ces difficultés s'accrurent quand arrivèrent ces "fils d'archevêques" bardés de diplômes, de certitudes et d'incompétences, mais à qui tout semblait du. Ce trouble dans l'attachement normal l'aida un peu au moment où lui-même divorça et que ses enfants le rejetèrent. Ces derniers n'ont pas tous les torts, il laissa passivement son ex-conjointe les conditionner san