CASTING POUR SOLEILS NOIRS, MASQUES ET DANSES DU SABLE Il est difficile dans ce théâtre d'actualité de décrire des personnages atypiques, symboliques, impliqués dans les variations qui voient évoluer leur trajectoire psychologique, religieuse, philosophique, politique, voire sexuelle, non hors du temps, mais au coeur de l'Histoire vécue au présent. L'ossature dialoguée de ce scénario en contrepoints met en scène leurs épreuves initiatiques à la recherche d'une existence justifiée. Si ce Casting de masques pour âmes errantes à la recherche de destins impossibles a l'ambition d'exposer un théâtre d'affrontements géo-politiques, religieux et philosophiques tragiques, cette oeuvre ne saurait en aucun cas se présenter comme faisant l'apologie de quelque terrorisme que ce soit, djihadiste ou autre nihilisme. Si certains personnages y expriment des arguments qui déroulent leur propre logique, ils sont toujours contrés par d'autres développements implacables. D'où ma prédilection, dans les ouvrages que j'ai pu écrire, pour le champ-contrechamp cinématographique et pour la ligne mélodique du CONTREPOINT. Qui est, selon Pierre Boulez, au fondement de toute écriture polyphonique, là où, sans doute, disait Paul Dukas, se trouve l'avenir. C'est bien là que s'éprouve ma préférence pour la rigueur de dialogues à deux ou trois voix, aux intervalles dissonants, voire discordants et dissolus. Cette technique de composition, tôt apprise, livre des angles de vue distincts et opposés d'une même problématique. Pour mieux comprendre l'Autre, le différent, sa pensée, ses raisons, sa volonté, ses actes, surtout si nos opinions ou nos engagements diffèrent ou s'opposent. J'ai recherché partout et sans fatigue les contrepoints des logiques manifestes et les oppositions de phase... Cette démarche de l'intelligence discursive n'est que la méthode de la thèse, antithèse, comme l'enseignaient mes bons maîtres, la synthèse étant faite par le lecteur attentif. C'est Vladimir Jankélévitch qui, dans Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, définit le mieux la nature de cette prédilection assumée: Le contrepoint lui-même a une âme, en ceci que le parallélisme de ses voix a été expressément réglé note pour note par une volonté musicienne qui fait chanter ensemble ou converser plusieurs parties mélodiques également expressives, et pourtant l'une sur l'autre brodées dans le colloque vivant de la polyphonie. À nous donc de ne pas nous laisser ensabler dans les tourments du Levant qui sont décrits ici, de nous désenvoûter des préjugés édifiants autorisés des uns et des rhétoriques antagonistes des autres et de découvrir ce que dissimulent les gestes guerrières exaltées teintées de religiosité, de métaphysique et de cruauté... La condition humaine est bien plus complexe que tout ce qui a pu être rapporté comme discours formaté. Il nous faut, dès lors, discerner et identifier, dans toutes les formes de communications déversées sur le monde, de quoi les écrits font écran. Et reconnaître pourquoi les écrans, si fascinés par l'effervescence, les cris de rage ou de désespoir et par le spectacle des destructions apocalyptiques, ne nous délivrent jamais de l'intelligence et de la mémoire de l'écrit. La trame sans muselière de l'écrit rend plus visibles et intelligibles les causes, la logique ou le cynisme des rivalités, les enjeux stratégiques, l'éruption des colères et le déchaînement des violences, les pressions déguisées et les épreuves qui renforcent les déterminations ou les dissolvent, les trajectoires individuelles ou collectives, les convictions intransigeantes ou les ralliements opportuns, les apologies démagogiques ou les aveux édulcorés, les paravents de la peur ou les engagements décisifs et la lutte des regards et des symboles... Quitte à prendre le risque de déborder le fil narratif. CK